Réduire les Droits de Succession : Stratégies et Comparaisons Internationales

La rédaction

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Publié le 2 novembre 2024
Réduire les Droits de Succession : Stratégies et Comparaisons Internationales

Les droits de succession en France sont souvent perçus comme l’une des formes de taxation les plus lourdes et les plus complexes à gérer, notamment pour les familles disposant d’un patrimoine conséquent. Bien qu’il existe des dispositifs courants d’optimisation, comme l’assurance-vie ou les donations successives, des solutions plus techniques et moins connues permettent de réduire encore davantage l’impact fiscal des successions.

Dans cet article, nous explorerons des stratégies avancées et peu connues, comme le pacte Dutreil, le démembrement d’assurance-vie ou encore la clause de tontine. Nous examinerons également comment certains pays, comme les États-Unis ou la Suisse, ont choisi des approches radicalement différentes pour favoriser la transmission du patrimoine familial.

1. Le Pacte Dutreil : Préserver les Entreprises Familiales

Le pacte Dutreil est l’un des outils les plus avantageux pour transmettre une entreprise familiale en réduisant drastiquement les droits de succession ou de donation. Ce dispositif permet une exonération de 75 % de la valeur des parts d’une entreprise lors d’une transmission à titre gratuit (succession ou donation).

Fonctionnement du Pacte Dutreil :

Pour bénéficier de ce régime, il est nécessaire de respecter certaines conditions :

• Un engagement collectif de conservation des titres doit être signé entre les héritiers pour une durée minimale de 2 ans. Cet engagement collectif doit concerner au moins 34 % des parts sociales de l’entreprise non cotée ou 20 % pour une entreprise cotée.
• Après cette période, les bénéficiaires doivent également respecter un engagement individuel de 4 ans supplémentaires, durant lesquels ils doivent conserver les titres.

• L’un des héritiers ou donataires doit exercer une fonction de direction au sein de l’entreprise pendant toute la durée de l’engagement.

Exemple concret :

Supposons qu’une entreprise familiale soit valorisée à 2 millions d’euros. Si un pacte Dutreil est en place, 1,5 million d’euros (75 %) seront exonérés de droits de succession ou de donation. L’assiette imposable sera donc réduite à 500 000 €, entraînant une imposition bien plus faible.

Sans le pacte, les droits de succession sur 2 millions d’euros pourraient facilement atteindre 45 %, soit 900 000 €. Avec le pacte Dutreil, la facture fiscale pourrait être ramenée à environ 200 000 €, un gain fiscal considérable pour la transmission des entreprises.

2. Le Démembrement d’Assurance-Vie : Une Stratégie Avancée

Le démembrement de la clause bénéficiaire d’une assurance-vie est une stratégie encore méconnue, mais extrêmement efficace pour optimiser la transmission de patrimoine. En France, l’assurance-vie est déjà un outil privilégié grâce à ses abattements généreux et ses taux d’imposition préférentiels. Cependant, le démembrement permet d’aller encore plus loin en optimisant la répartition des capitaux entre usufruit et nue-propriété.

Fonctionnement :

Le démembrement de l’assurance-vie consiste à désigner plusieurs bénéficiaires, en leur attribuant l’usufruit et la nue-propriété des fonds. Par exemple, un conjoint peut être désigné usufruitier, et les enfants, nus-propriétaires. Cela permet au conjoint survivant de percevoir les revenus (les intérêts) du contrat, tandis que le capital, sous forme de nue-propriété, est transmis aux enfants sans être immédiatement taxable.

Exemple :

Un contrat d’assurance-vie avec un capital de 500 000 € peut être démembré en attribuant l’usufruit à l’époux survivant et la nue-propriété aux enfants. À la mort de l’usufruitier, les enfants récupèrent la pleine propriété du capital sans que de nouveaux droits de succession ne s’appliquent.

Cette technique permet non seulement de préserver les liquidités pour le conjoint survivant, mais aussi de réduire considérablement la fiscalité globale sur la succession.

3. La Clause de Tontine : Un Outil Méconnu pour les Couples

La clause de tontine, également appelée “pacte tontinier”, est une disposition juridique qui permet à deux acquéreurs d’un bien immobilier de convenir que, lors du décès de l’un d’entre eux, le survivant récupère la pleine propriété du bien. Cette clause est particulièrement utile pour les couples non mariés ou pacsés qui souhaitent éviter l’application des droits de succession de 60 % qui s’appliquent aux héritages entre partenaires non mariés.

Fonctionnement :

Lorsqu’un bien immobilier est acquis en tontine, il est considéré que le survivant est l’unique propriétaire dès le départ, mais que ce droit de propriété est “suspendu” tant que les deux acquéreurs sont en vie. Au décès de l’un des partenaires, le survivant est considéré comme ayant toujours été l’unique propriétaire du bien, ce qui permet d’exclure ce dernier de la succession et donc de la taxation.

Exemple :
Un couple non marié achète un bien immobilier d’une valeur de 300 000 €. Si la clause de tontine est insérée dans l’acte d’achat, à la mort du premier partenaire, le survivant récupère la pleine propriété sans avoir à payer les droits de succession de 60 %, soit une économie fiscale de 180 000 €.

Cette clause est très avantageuse pour les couples non mariés, qui, autrement, seraient soumis à une fiscalité particulièrement lourde sur les successions.

4. Le Démembrement Croisé des Parts de SCI : Réduire les Droits de Succession

La Société Civile Immobilière (SCI) est souvent utilisée pour structurer la détention de biens immobiliers en famille et en faciliter la transmission. Une technique peu connue mais très efficace est le démembrement croisé des parts de la SCI entre conjoints.

Fonctionnement :

Le démembrement croisé consiste à attribuer à chaque conjoint l’usufruit des parts sociales détenues par l’autre, tandis que les enfants reçoivent la nue-propriété de l’ensemble des parts. Ainsi, à la mort de l’un des conjoints, le survivant conserve l’usufruit des parts de son conjoint décédé, et les enfants récupèrent la pleine propriété des parts sans être soumis à de nouveaux droits de succession.

Exemple :
Un couple possède une SCI détenant un bien immobilier d’une valeur de 1 million d’euros. En procédant à un démembrement croisé, chaque conjoint détient l’usufruit des parts de l’autre, tandis que les enfants détiennent la nue-propriété. À la mort du premier conjoint, le survivant conserve l’usufruit, et à la mort du second, les enfants récupèrent la pleine propriété du bien sans nouveaux droits de succession. Cette technique permet de minimiser l’impact fiscal et d’optimiser la gestion du patrimoine.

5. Les Successions Internationales : Une Double Taxation à Éviter

Un autre aspect souvent négligé est la gestion des successions pour les expatriés ou les familles possédant des biens à l’étranger. En France, les héritiers résidents fiscaux peuvent être soumis à la taxation sur l’ensemble des biens, y compris ceux situés hors de France. Cela peut poser problème dans les pays sans conventions fiscales avec la France, où une double imposition peut survenir.

Exemple d’Expatriation Fiscale :

La Belgique offre un régime de succession beaucoup plus favorable que la France, avec des droits de succession en ligne directe variant entre 3 % et 27 % selon la région, bien en deçà des taux français. En 2023, plus de 3 000 familles françaises ont décidé de s’expatrier en Belgique pour bénéficier de cette fiscalité plus douce.

Les familles possédant des biens dans des pays comme la Suisse, le Portugal ou le Luxembourg doivent s’informer des conventions fiscales internationales pour éviter la double imposition. La Suisse, par exemple, dispose de conventions bilatérales avec la France, permettant de limiter l’impact fiscal des successions transfrontalières.

6. Comparaison avec le Système Américain : Des Seuils Plus Élevés

Aux États-Unis, la fiscalité sur les successions existe, mais avec des seuils d’exonération particulièrement élevés. En 2024, l’exonération s’applique jusqu’à 12,92 millions de dollars par personne, après quoi un taux unique de 40 % est appliqué. Cela signifie que la majorité des familles américaines ne sont pas concernées par les droits de succession, à l’inverse de la France, où les seuils sont beaucoup plus bas.

Exemple :
Une famille possédant un patrimoine de 5 millions de dollars aux États-Unis ne paiera aucun droit de succession, tandis qu’en France, une famille avec un patrimoine similaire serait soumise à une imposition allant jusqu’à 45 %, soit 2,25 millions d’euros.

Ce modèle fiscal américain encourage la transmission de patrimoine sans pénaliser les familles de la classe moyenne ou supérieure, mais il est souvent critiqué pour contribuer à l’accroissement des inégalités de patrimoine à long terme.

Conclusion

En France, les successions peuvent être lourdement taxées, mais des stratégies avancées comme le pacte Dutreil, le démembrement de l’assurance-vie, la clause de tontine ou le démembrement croisé des parts de SCI permettent d’optimiser la transmission du patrimoine. Ces outils, bien que complexes, peuvent réduire considérablement la note fiscale si utilisés correctement.

Comparée à d’autres pays, la France reste l’un des pays où la transmission de patrimoine est la plus taxée, ce qui pousse de nombreuses familles à chercher des solutions d’expatriation vers des pays à la fiscalité plus favorable, comme la Belgique ou le Luxembourg. La comparaison avec les États-Unis ou la Suisse met en lumière l’importance des seuils d’exonération et des mécanismes favorisant la transmission intergénérationnelle.

Dans ce contexte, une réforme des droits de succession pourrait devenir un enjeu crucial pour la compétitivité fiscale de la France à l’échelle internationale.

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