L’effondrement imminent : entre collapsologie et réalité géopolitique

La rédaction

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Publié le 17 octobre 2024
L’effondrement imminent : entre collapsologie et réalité géopolitique

La collapsologie, cette approche qui s’intéresse à la possibilité d’un effondrement systémique global, est aujourd’hui au cœur des préoccupations de certains penseurs. Elle repose sur l’idée que notre modèle socio-économique, fondé sur la croissance infinie, l’exploitation illimitée des ressources naturelles et l’hyper-technologisation, pourrait conduire à une implosion des sociétés modernes. Cependant, ce n’est pas seulement une vision alarmiste de certains intellectuels : les données économiques et géopolitiques récentes renforcent cette hypothèse.

La dette : une bulle prête à éclater

Commençons par le levier fondamental de notre économie actuelle : la dette. Depuis la crise de 2008, les États-Unis et l’Union européenne ont amplifié leurs niveaux d’endettement, mettant en place des politiques monétaires non conventionnelles, comme le quantitative easing (QE), pour maintenir à flot leurs économies. Mais cela a créé une illusion de prospérité, masquant une réalité bien plus sombre.

Prenons l’exemple des États-Unis. La dette nationale américaine a atteint 33 000 milliards de dollars en 2024, soit environ 125 % du PIB. Autrement dit, la plus grande économie du monde fonctionne en s’appuyant sur une dette colossale. Cette situation n’est pas tenable à long terme. Historiquement, lorsque la dette d’un pays dépasse les 90 % de son PIB, sa croissance commence à ralentir et les risques de récession augmentent considérablement. Les intérêts sur la dette deviennent un fardeau difficile à gérer, surtout dans un contexte de hausse des taux d’intérêt.

L’Europe, quant à elle, n’est pas en reste. La dette publique des pays de la zone euro s’élève à environ 12 000 milliards d’euros, soit environ 95 % du PIB de la région. En Italie, la dette dépasse 150 % du PIB, en Espagne elle est proche des 120 %, et en France elle frôle les 115 %. Ces niveaux d’endettement, combinés à une stagnation économique, créent un terrain propice à une crise de la dette souveraine à venir. Ces pays ne peuvent pas compter éternellement sur la BCE pour racheter leurs obligations. Une hausse prolongée des taux d’intérêt, déjà amorcée, rendra le service de la dette de plus en plus insoutenable.

L’épuisement des ressources et l’impact environnemental

En parallèle, notre civilisation industrielle est basée sur l’exploitation de ressources naturelles, dont certaines sont en voie d’épuisement. Les métaux rares, comme le lithium, sont essentiels pour la transition énergétique, mais les gisements accessibles ne suffiront pas à alimenter les besoins mondiaux. En 2020, il a été estimé que la demande mondiale de lithium pourrait être multipliée par 40 d’ici 2040, notamment à cause de la production massive de batteries pour les véhicules électriques. Pourtant, nos capacités d’extraction sont limitées, et les processus d’extraction eux-mêmes sont destructeurs pour l’environnement.

Le pétrole, lui aussi, pose problème. Bien que certaines voix affirment que les réserves pétrolières sont loin de s’épuiser, il devient de plus en plus coûteux et complexe d’extraire le pétrole restant, car il se trouve dans des zones difficiles d’accès (forages en eaux profondes, sables bitumineux). Le pic pétrolier mondial, selon certaines estimations, aurait été atteint en 2018. Or, le pétrole demeure l’une des principales sources d’énergie pour le transport et l’industrie. Le coût de l’énergie pourrait exploser dans les prochaines décennies, entraînant un ralentissement brutal de l’économie mondiale.

Prenons l’exemple de l’Arabie saoudite, qui fait face à une baisse de ses réserves d’hydrocarbures exploitables. Le royaume a lancé le projet Vision 2030 pour diversifier son économie, mais la dépendance du pays au pétrole reste forte. Si le prix du baril chute en dessous de 70 dollars, l’Arabie saoudite est en difficulté pour financer ses projets d’infrastructure. À l’inverse, si le prix monte au-delà de 100 dollars, les économies mondiales, déjà en proie à l’inflation, risquent de plonger dans une récession.

Les tensions géopolitiques et l’instabilité mondiale

Sur le plan géopolitique, nous assistons à la désintégration progressive du système unipolaire. Le modèle basé sur la domination américaine post-Guerre froide s’effondre. La montée en puissance de la Chine, couplée à l’agressivité renouvelée de la Russie, a redéfini les rapports de force mondiaux. Les États-Unis, jadis perçus comme l’hégémon mondial incontesté, peinent à maintenir leur influence.

Les routes commerciales essentielles, comme celles qui passent par le détroit d’Ormuz, sont devenues des points de tension majeurs. Un tiers des exportations mondiales de pétrole transite par cette zone. Des conflits entre l’Iran et les États-Unis ou d’autres puissances pourraient perturber l’approvisionnement mondial en pétrole, entraînant une crise énergétique massive. En 2019, lorsque l’Iran a menacé de fermer le détroit en réponse aux sanctions américaines, le prix du baril a bondi de près de 15 % en quelques jours.

En Europe, la guerre en Ukraine a bouleversé les équilibres. La Russie, premier exportateur mondial de gaz naturel, a utilisé cette ressource comme une arme contre l’Union européenne. Cela a provoqué une crise énergétique majeure en 2022, lorsque le prix du gaz a atteint des records, culminant à près de 300 €/MWh en septembre de cette année-là, alors qu’il était autour de 20 €/MWh un an plus tôt. Cette crise a non seulement fragilisé les économies européennes, mais elle a aussi mis en lumière la dépendance énergétique de l’Occident vis-à-vis de nations instables.

Crises sociales et migratoires : les déclencheurs de l’effondrement

Enfin, les crises migratoires s’intensifient. Les conflits au Moyen-Orient et en Afrique, amplifiés par les pénuries alimentaires et les catastrophes climatiques, poussent des millions de personnes à fuir leurs pays. L’Europe, déjà frappée par une crise identitaire et sociale, voit arriver des flux de réfugiés sans précédent. En 2015, lors de la crise migratoire liée à la guerre civile syrienne, plus d’un million de migrants sont arrivés en Europe, ce qui a déstabilisé politiquement plusieurs pays de l’Union, notamment l’Allemagne et la Hongrie.

D’ici 2050, il est estimé que les réfugiés climatiques pourraient être jusqu’à 200 millions, provoquant des tensions ethniques et sociales dans les pays d’accueil. La situation est similaire aux États-Unis, où la frontière sud est sous pression constante avec des flux migratoires venant de l’Amérique centrale et du Mexique, amplifiés par la pauvreté et l’instabilité dans la région.

Conclusion : vers un effondrement progressif

Ces éléments montrent que l’effondrement de notre civilisation ne sera probablement pas un événement soudain, mais plutôt une dégradation progressive de nos systèmes économiques, sociaux et politiques. Les collapsologues anticipent un effondrement global, mais il est plus probable que différentes régions du monde s’effondrent à des vitesses différentes. L’Occident, en particulier, pourrait être le premier à s’effondrer en raison de son niveau d’endettement, de sa dépendance aux ressources naturelles et de son incapacité à gérer les crises sociales et migratoires.

Cet effondrement progressif, qu’il soit financier, énergétique ou social, nous oblige à repenser radicalement nos modèles de développement et à anticiper les chocs à venir. La question n’est plus de savoir si l’effondrement aura lieu, mais quand et comment nous pourrons y faire face.

Cet article approfondit l’analyse sur l’effondrement civilisationnel, en intégrant des données économiques, géopolitiques et environnementales chiffrées pour donner une perspective plus complète de la situation.

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