La Vérité Cachée de la Crise au Moyen-Orient

La rédaction

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Publié le 31 octobre 2024
La Vérité Cachée de la Crise au Moyen-Orient

La crise actuelle au Moyen-Orient est plus qu’un simple conflit géopolitique. C’est une situation profondément ancrée dans les dynamiques économiques globales, où les intérêts financiers des grandes puissances et des multinationales se superposent aux enjeux de pouvoir régionaux. En tant qu’analystes économiques, il est essentiel de dévoiler les motivations cachées et d’analyser les chiffres pour comprendre la véritable nature de cette crise.

Le Rôle des Ressources Énergétiques : Une Lutte pour le Pétrole et le Gaz

Les conflits au Moyen-Orient ne peuvent être dissociés du rôle stratégique que joue cette région dans la production mondiale de pétrole. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), environ 30% de la production mondiale de pétrole provient du Moyen-Orient. Rien qu’en 2023, les pays de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), avec l’Arabie Saoudite en tête, ont produit 28 millions de barils de pétrole par jour (b/j).

Le contrôle des routes pétrolières et des champs de pétrole est une motivation géopolitique de premier ordre. Par exemple, le détroit d’Ormuz, par lequel transite environ 20% de la production pétrolière mondiale (soit plus de 18 millions de barils par jour), est un point de passage stratégique. Les tensions géopolitiques autour de ce détroit sont à la fois une guerre de contrôle de ressources et une pression économique exercée sur les économies occidentales.

Au-delà du pétrole, le Moyen-Orient représente également une plaque tournante pour le gaz naturel. Le Qatar, à lui seul, détient environ 13% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, et la région abrite les plus grands champs gaziers au monde, partagés entre le Qatar et l’Iran. En 2022, la production de gaz du Qatar s’élevait à 175 milliards de mètres cubes, en grande partie exportée sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL). C’est pourquoi des acteurs comme la Chine et la Russie sont de plus en plus actifs dans cette région pour sécuriser leur approvisionnement énergétique à long terme.

Une Guerre de Devises : Le Pétrodollar en Jeu

Historiquement, le pétrole a été échangé en dollars américains, ce qui confère aux États-Unis un pouvoir hégémonique à travers le système du pétrodollar. La majeure partie des transactions pétrolières mondiales sont encore réalisées en dollars, permettant aux États-Unis d’imposer leur devise comme monnaie de réserve mondiale. En effet, environ 60% des réserves mondiales de change sont détenues en dollars, selon le Fonds monétaire international (FMI).

Cependant, ce système est aujourd’hui menacé. La montée en puissance de la Chine et de la Russie remet en question la domination du pétrodollar. La Chine, par exemple, cherche activement à promouvoir le yuan dans les échanges internationaux d’énergie. En 2018, elle a lancé des contrats à terme sur le pétrole libellés en yuan à la Shanghai International Energy Exchange (INE). Ce mouvement est stratégique car il sape lentement le rôle dominant du dollar dans les transactions pétrolières. Bien que ces contrats ne représentent encore qu’une fraction du marché, le volume des échanges libellés en yuan a dépassé les 600 000 contrats par jour en 2023, un signe clair d’un basculement à venir.

Pour les États-Unis, la défense de leur hégémonie monétaire passe par l’interaction militaire dans la région. Le complexe militaro-industriel américain, avec des entreprises comme Lockheed Martin, Raytheon, ou encore Northrop Grumman, tire profit de cette instabilité. Le budget de la défense américain s’est élevé à 858 milliards de dollars en 2023, une augmentation de 4% par rapport à l’année précédente, largement justifiée par la protection des intérêts stratégiques au Moyen-Orient.

La Dette et l’Inflation : Un Jeu Dangereux pour l’Occident

Les conflits au Moyen-Orient, bien qu’ils profitent à certaines entreprises, exacerbent les déséquilibres économiques des pays occidentaux. Aux États-Unis, la dette publique a atteint en 2023 un montant record de 33 000 milliards de dollars, soit environ 125% du PIB. Une partie de cette dette est indirectement liée aux dépenses militaires pour sécuriser les ressources énergétiques et maintenir la domination du pétrodollar.

En Europe, la situation n’est guère plus reluisante. Les sanctions contre des pays comme l’Iran et la Russie, combinées à la crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine, ont fait exploser les prix de l’énergie. En France, par exemple, les prix du gaz ont augmenté de 17,3% sur l’année 2023, et l’inflation annuelle a été mesurée à 5,6%. Cette inflation touche de plein fouet les ménages, mais elle met aussi à mal la compétitivité des industries européennes, qui subissent des coûts énergétiques plus élevés que leurs concurrents en Asie ou en Amérique.

Les Multinationales : Gagnants du Chaos

Pendant que les citoyens subissent ces hausses de prix et que les gouvernements s’enfoncent dans la dette, certaines multinationales enregistrent des bénéfices records. ExxonMobil, l’une des plus grandes compagnies pétrolières au monde, a réalisé en 2022 des profits historiques de 55,7 milliards de dollars, en hausse de 140% par rapport à 2021. De même, Chevron a vu ses bénéfices augmenter de 120%, atteignant 35,5 milliards de dollars la même année.

Les banques et fonds d’investissement internationaux jouent également un rôle crucial. Ils financent massivement les projets d’infrastructures énergétiques au Moyen-Orient, tout en récoltant d’énormes dividendes. À travers des mécanismes de dette souveraine, ces mêmes banques créent des liens de dépendance financière avec des gouvernements fragilisés, notamment ceux des pays du Golfe. Les taux d’endettement de pays comme le Bahreïn et l’Oman ont explosé, atteignant respectivement 125% et 60% du PIB.

La Chine et la Russie : Un Nouveau Jeu de Pouvoir

La stratégie chinoise est claire : sécuriser l’approvisionnement énergétique nécessaire à son développement économique. La Chine est désormais le plus grand importateur de pétrole au monde, absorbant environ 11 millions de barils par jour. Elle investit massivement dans les infrastructures énergétiques au Moyen-Orient, avec des projets de plusieurs dizaines de milliards de dollars, notamment dans le cadre des Nouvelles Routes de la Soie.

La Russie, quant à elle, continue de renforcer ses positions. Malgré les sanctions économiques, Gazprom et Rosneft restent des acteurs majeurs dans l’approvisionnement en gaz de l’Europe et de l’Asie. En 2023, les exportations de gaz russe vers la Chine ont atteint 25 milliards de mètres cubes, et devraient doubler d’ici 2027 avec la mise en service de nouveaux pipelines comme Power of Siberia 2.

Conclusion : Un Scénario à Haut Risque

L’avenir du Moyen-Orient est incertain, mais une chose est claire : les conflits qui s’y déroulent sont bien plus qu’une simple guerre de religions ou de territoires. Ils sont profondément enracinés dans les luttes pour le contrôle des ressources énergétiques, des devises, et des marchés financiers. Les chiffres ne mentent pas : les grands gagnants sont les multinationales de l’énergie et les puissances économiques qui en tirent les ficelles, tandis que les populations locales et les citoyens des pays occidentaux paient le prix fort à travers l’inflation, la dette et les politiques d’austérité.

Le scénario est donc à surveiller de près. Si la Chine et la Russie continuent à grignoter les positions des États-Unis, cela pourrait non seulement bouleverser l’équilibre des forces au Moyen-Orient, mais aussi changer radicalement la structure du marché mondial de l’énergie et, à terme, la domination du dollar américain. Les répercussions économiques seront vastes et durables.

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