L'effondrement financier de 2008 n'a pas été un accident de parcours ou une simple crise passagère. C'est l'aboutissement d'un système fondamentalement vicié par la complicité des banques, des agences de notation et, surtout, des banques centrales, dont l'irresponsabilité a poussé à une catastrophe systémique. Au-delà des pertes astronomiques, cette crise a révélé un problème profond : les banques centrales ont manipulé le système au bénéfice des grandes banques et au détriment des contribuables. Voici comment, avec des chiffres et des exemples concrets, les banques ont tout perdu en 2008, et pourquoi elles n'ont, en réalité, rien appris.
Une bulle gonflée par la Fed : origine des subprimes
L'origine de la crise de 2008 se trouve dans les années 2000, avec une politique monétaire laxiste menée par la Réserve fédérale américaine (Fed).
Sous la direction d'Alan Greenspan, la Fed a maintenu les taux d'intérêt à des niveaux historiquement bas (1 % en 2003-2004). Cette politique a permis une explosion de l'endettement, notamment des prêts immobiliers, favorisant la montée d'une bulle immobilière artificielle.
Entre 2000 et 2006, les prix de l'immobilier américain ont augmenté de plus de 50 %, gonflant une bulle dangereuse. Au pic de cette bulle en 2006, près de 600 milliards de dollars de prêts subprimes étaient en circulation, représentant environ 20 % des nouveaux prêts immobiliers cette année-là. Ce chiffre est colossal et montre à quel point les banques étaient aveugles aux risques qu'elles prenaient. Ces prêts, accordés à des ménages à faible solvabilité, étaient voués à l'échec dès que les taux d’intérêt commenceraient à remonter.
Les banques n’ont pas seulement prêté imprudemment, elles ont aussi titrisé ces prêts sous forme de Collateralized Debt Obligations (CDO). Ces produits dérivés complexes, censés diluer le risque, ont été massivement vendus à des investisseurs du monde entier.
Prenons l'exemple de Lehman Brothers, qui détenait environ 85 milliards de dollars en actifs liés aux subprimes en 2007. Lorsque ces prêts ont commencé à faire défaut, la valeur de ces CDO s'est effondrée, entraînant une perte massive de confiance et une crise de liquidité.
Lehman Brothers et Bear Stearns : des pertes astronomiques
Lehman Brothers, l’un des piliers de Wall Street, est sans doute le cas le plus emblématique de cette crise. En septembre 2008, Lehman Brothers a fait faillite avec 613 milliards de dollars d'actifs et 619 milliards de dollars de dettes, la plus grande faillite de l’histoire. Le levier financier de Lehman était astronomique : la banque empruntait 30 dollars pour chaque dollar de capital, un ratio de levier de 30:1. Cela signifie qu'une perte de seulement 3 % de la valeur de ses actifs suffisait à effacer la totalité de ses fonds propres, ce qui s'est produit lorsque le marché immobilier s'est effondré.
Un autre exemple est celui de Bear Stearns, l'une des plus grandes banques d'investissement américaines. En mars 2008, Bear Stearns était au bord de la faillite en raison de son exposition massive aux subprimes. Sa survie a été temporairement assurée par un rachat d'urgence orchestré par la Fed et JP Morgan pour 2 dollars par action, alors que l'action valait encore 170 dollars un an auparavant. La Fed a injecté 30 milliards de dollars pour couvrir les actifs toxiques de Bear Stearns. Cela montre l’ampleur des pertes et la fragilité du système bancaire à cette époque.
Le rôle des agences de notation : complicité dans la crise
Ce qui est encore plus choquant, c’est que ces produits toxiques, tels que les CDO, avaient été classés AAA par les grandes agences de notation, comme Moody’s et Standard & Poor’s. Cette notation était censée indiquer qu'il s'agissait d'investissements sûrs. En réalité, ces produits étaient de véritables bombes à retardement.
Voici un chiffre clé pour comprendre l'ampleur du problème : en 2006, environ 2 300 milliards de dollars de CDO étaient en circulation. Parmi eux, une grande partie étaient adossés à des subprimes. Lorsque le marché immobilier a commencé à s'effondrer en 2007, les agences de notation ont été contraintes de réviser massivement à la baisse les notes de ces produits financiers. En l’espace de quelques mois, des produits notés AAA ont été dégradés à des niveaux proches du junk (investissement spéculatif), ce qui a provoqué une panique sur les marchés.
Le domino des faillites bancaires : un effondrement systémique
À partir de là, tout s'est accéléré. L'effondrement de Lehman Brothers a créé une onde de choc à travers le système financier mondial. Merrill Lynch, une autre grande banque d'investissement, a annoncé 8,6 milliards de dollars de pertes liées aux subprimes et a été rachetée à la hâte par Bank of America pour 50 milliards de dollars en septembre 2008. Citigroup, autre géant bancaire, a déclaré des pertes totales de 50 milliards de dollars et n'a survécu que grâce à un plan de sauvetage gouvernemental de 45 milliards de dollars, via le Troubled Asset Relief Program (TARP).
Le gouvernement américain a dû injecter plus de 700 milliards de dollars pour renflouer les banques via le plan TARP. Cette somme astronomique montre à quel point le système était au bord de l'effondrement. Mais le problème, c’est que ces renflouements ont essentiellement servi à socialiser les pertes. Pendant que les contribuables sauvaient le système bancaire, les banques ont pu continuer à opérer sans rendre de comptes.
Les banques centrales complices : la manipulation des marchés
L’une des critiques que j'adresse particulièrement aux banques centrales est leur manipulation incessante des marchés. La crise de 2008 est la preuve éclatante que la planification monétaire par les banques centrales mène à des catastrophes. En maintenant les taux d'intérêt artificiellement bas pendant des années, la Réserve fédérale américaine et les autres banques centrales ont envoyé des signaux erronés aux marchés. Elles ont créé une abondance de liquidités qui a encouragé la prise de risques insensée.
Le chiffre qui illustre le mieux cette manipulation est l'injection massive de liquidités post-crise. Entre 2008 et 2014, la Fed a injecté plus de 3 500 milliards de dollars dans l'économie via des programmes d'assouplissement quantitatif (QE). Ces injections ont permis de stabiliser temporairement le système, mais à quel prix ? Cela a gonflé encore davantage les prix des actifs financiers, enrichissant les banques et les investisseurs tout en laissant les contribuables et les ménages endetter.
L'illusion du renflouement : qui a vraiment tout perdu ?
Les banques ont-elles vraiment tout perdu en 2008 ? Pas tout à fait. Les pertes initiales ont été colossales, c’est vrai. Mais les 3 000 milliards de dollars injectés par les banques centrales et les plans de sauvetage comme le TARP ont permis à la plupart des banques de survivre et même de prospérer dans les années suivantes. Pendant ce temps, des millions de citoyens ont, eux, tout perdu.
Entre 2008 et 2012, plus de 6 millions de ménages américains ont été expulsés de leur domicile. Le chômage a grimpé à 10 % en octobre 2009, avec 8,7 millions d'emplois perdus.
En Europe, les pertes ont été tout aussi sévères : le PIB de la zone euro a reculé de 4,5 % en 2009, et des millions de personnes ont été plongées dans la pauvreté.
Conclusion critique : un système profondément vicié
La crise de 2008 n'a pas seulement révélé l'incompétence des banquiers ou l'inefficacité des agences de notation. Elle a montré un système profondément vicié. Un système où les banques peuvent prendre des risques insensés, sachant que les contribuables viendront toujours à la rescousse en cas de besoin. C’est ce que j’appelle la socialisation des pertes et la privatisation des profits.
En tant qu'observateur critique, je dirais que la crise de 2008 n’a rien résolu. Au contraire, elle a renforcé la connivence entre les banques et les banques centrales, et a perpétué un système où les risques sont encore plus grands aujourd'hui. Le problème du risque moral est plus pertinent que jamais : pourquoi les banques arrêteraient-elles de spéculer si elles savent que les banques centrales injecteront toujours des milliards de dollars pour les sauver ?
Tant que nous ne remettons pas en cause ce système, nous sommes condamnés à revivre des crises similaires, avec des pertes colossales pour les citoyens, tandis que les banques continueront à prospérer sur les ruines qu’elles ont elles-mêmes créées.
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