Marchés publics des médicaments : Quand l'État joue avec notre santé

La rédaction

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Publié le 4 octobre 2024
Marchés publics des médicaments : Quand l'État joue avec notre santé

Les marchés publics des médicaments, conçus à l'origine pour garantir l'accès équitable aux traitements médicaux, se sont transformés en un vaste système bureaucratique aux lourdeurs kafkaïennes. Loin de servir l'intérêt général, ce mécanisme favorise des conglomérats pharmaceutiques aux pratiques douteuses, au détriment des citoyens. Cet état de fait est à la fois une conséquence et un révélateur des faiblesses structurelles du capitalisme moderne, perverti par une collusion entre les intérêts publics et privés.

La fausse promesse d'efficacité des marchés publics

Les marchés publics sont fondés sur un postulat utopique : que l'État, par ses appels d'offres et ses procédures formalisées, puisse réguler efficacement l'accès aux médicaments. Cette théorie présuppose que les pouvoirs publics sont suffisamment compétents pour comprendre les enjeux techniques des produits pharmaceutiques et qu'ils peuvent, sans biais ni influence, sélectionner les meilleurs produits à des prix compétitifs.

Cependant, la réalité montre un autre visage. Une étude réalisée en 2019 montre que 70% des marchés publics de médicaments dans l'Union européenne sont dominés par trois grandes entreprises pharmaceutiques. En France, selon la Cour des Comptes, 84% des achats de médicaments hospitaliers sont concentrés entre une poignée de multinationales, faussant ainsi la compétition.

Le processus des appels d'offres est généralement ralenti par des lourdeurs administratives, et la sélection des fournisseurs est plus souvent guidée par des relations privilégiées et des lobbys puissants que par l'évaluation objective de l'intérêt des patients. On assiste alors à une captation des marchés publics par quelques géants pharmaceutiques.

En dépit des promesses de maîtrise des coûts, les prix des médicaments ont augmenté de 25% en 10 ans à l'échelle mondiale. Cette augmentation montre que la théorie de la régulation par la concurrence n'a pas eu les effets escomptés dans ce secteur.

L'oligopole pharmaceutique, ou le cartel du médicament

Le marché pharmaceutique mondial est dominé par une poignée de grands acteurs qui disposent d'un monopole de fait sur la majorité des médicaments essentiels. En 2022, les 10 plus grandes entreprises pharmaceutiques mondiales représentaient près de 48% des ventes mondiales de médicaments, un chiffre qui illustre la concentration extrême du secteur.

Ces multinationales exercent une pression constante sur les gouvernements à travers des moyens de lobbying sophistiqués.

Elles imposent des conditions contractuelles léonines, et lorsque ces marchés leur échappent, elles n'hésitent pas à recourir à des pratiques d'intimidation ou à manipuler les processus réglementaires pour ralentir ou bloquer l'entrée de nouveaux compétiteurs.

Ainsi, ces entreprises établissent des barrières à l'entrée pour les petites entreprises innovantes qui, malgré des produits souvent plus efficaces ou moins coûteux, ne peuvent accéder aux marchés publics. En 2022, Pfizer a généré plus de 100 milliards de dollars de revenus, une somme en grande partie alimentée par les ventes massives aux gouvernements pendant la pandémie de

COVID-19.

Les gouvernements se retrouvent pieds et poings liés à ces géants pharmaceutiques, dont les produits deviennent incontournables non pas en raison de leur qualité, mais par leur présence incontournable dans les structures étatiques.

La bureaucratisation de la santé publique, ou l'art de tuer l'innovation

L'un des effets les plus pervers des marchés publics est la tendance à la bureaucratisation extrême. Une étude de l'OCDE réalisée en 2020 montre que 40% des entreprises innovantes renoncent à participer aux appels d'offres publics à cause des complexités administratives. Pour les PME (Petites et Moyennes Entreprises), ce chiffre monte à 60%, car elles n'ont ni les moyens financiers ni les ressources humaines pour naviguer dans les méandres de la bureaucratie.

Les règles tatillonnes des appels d'offres et les exigences administratives ahurissantes découragent ces petites structures agiles qui pourraient, dans d'autres conditions, apporter des solutions innovantes et adaptées.

Au lieu de cela, nous assistons à la perpétuation d'un système sclérosé, incapable de répondre aux besoins changeants des citoyens.

Le coût caché pour le contribuable et le patient

Les marchés publics sont souvent présentés comme un moyen de réduire les coûts, mais la réalité est tout autre. Un rapport de l'Institut Montaigne estime que les inefficacités des marchés publics de médicaments coûtent chaque année à l'État français entre 1,5 et 3 milliards d'euros.

Ce surcoût est lié aux marges élevées des entreprises, mais aussi aux achats en masse de médicaments parfois inutilisés ou inefficaces.

Le patient, quant à lui, paie le prix fort. D'une part, l'absence de concurrence conduit à des prix des médicaments plus élevés. En France, le reste à charge des patients a grimpé de 10% sur les cinq dernières années, principalement en raison des prix élevés des médicaments non pris en charge par l'Assurance Maladie. Aux États-Unis, les prix des médicaments ont augmenté de 33% entre 2014 et 2018, ce qui oblige des millions de patients à renoncer à des traitements vitaux.

La nécessaire réforme d'un système obsolète

Il est urgent de repenser les marchés publics des médicaments en profondeur. Loin d'être une solution, ce modèle exacerbe les inégalités et étouffe l'innovation, tout en enrichissant des oligopoles pharmaceutiques au détriment des citoyens. En France, alors que la Sécurité sociale est en déficit chronique, les 5,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires en médicaments enregistrées en 2022 mettent en lumière la nécessité d'une réforme urgente.

L'État doit cesser d'être le complice involontaire de ces grands groupes et reprendre son rôle d'arbitre impartial, au service du bien commun et de la santé publique.

La collusion systémique entre les gouvernements et les entreprises doit être dénoncée, et l'intérêt des citoyens replacé au centre du débat. Car au final, ce sont toujours les mêmes qui paient la facture : les contribuables et les patients.

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