Quand la chasse aux sorcières devient une discipline académique

François Jaccard

François Jaccard

Publié le 23 novembre 2024
Quand la chasse aux sorcières devient une discipline académique

Ah, chers amis lecteurs, que serait notre époque sans ses hilarantes contradictions et ses chasseurs de fantômes institutionnalisés ? Laissez-moi vous narrer la dernière péripétie de notre chère République, où le Conseil d’État, tel un alchimiste du droit, a décidé de refondre les chaînes de télévision dans le moule du pluralisme parfait. Oui, parfait, puisqu’il s’agit de ficher, catégoriser, compter et peser chaque mot, chaque sourire, et pourquoi pas chaque haussement de sourcils. Tout cela sous l’œil bienveillant de l’Arcom, cette brave gardienne de l’information aseptisée.


François Jost, ce génie incompris


Tout commence avec un rapport, une œuvre d’art en soi, rédigée par François Jost, universitaire semiologue, ou peut-être sémiologue, selon les jours. Monsieur Jost a regardé CNews pendant quelques jours – un exploit héroïque – pour conclure que la chaîne ne respecte pas un certain “pluralisme”. Quelle est la définition de ce pluralisme ? Eh bien, elle semble varier selon l’humeur de l’auteur. Apparemment, le pluralisme consiste à ressembler à BFMTV, mètre-étalon universel de la neutralité journalistique. On imagine déjà la scène : des chaînes clonées, récitant en chœur la même liturgie, avec pour seul suspense la couleur des cravates des présentateurs.


Et quelle rigueur méthodologique ! Jost reproche à Pascal Praud d’être subjectif tout en se plaignant qu’il veut être objectif. C’est un peu comme dire à un cuisinier qu’il est coupable d’ajouter du sel tout en osant servir un plat fade. Mais ne soyons pas trop durs, car, après tout, la subtilité est un luxe que nos élites universitaires ne peuvent visiblement pas se permettre.


RSF : Reporters sans Finesse


Forts de ce chef-d’œuvre académique, Reporters Sans Frontières, ces vaillants défenseurs de la liberté de la presse, ont décidé de saisir l’Arcom pour demander une mise en demeure de CNews. Oui, la liberté de la presse, mais seulement quand elle est utilisée pour dire ce que nous voulons entendre. Sinon, c’est la Pravda qui s’installe, n’est-ce pas ? Et pourtant, l’Arcom, dans un moment rare de bon sens bureaucratique, a décidé de ne pas donner suite. Une hérésie qui a conduit RSF à s’adresser au Conseil d’État pour exiger des représailles. Ah, cette persévérance, digne des meilleurs inquisiteurs médiévaux.


Le Conseil d’État : refaçonner la liberté de pensée


Et voilà que le Conseil d’État entre en scène avec une décision qui fera date. Non seulement il exige de l’Arcom de revoir sa copie, mais il invente un nouveau jeu : le fichage idéologique de tous les intervenants médiatiques. Vous êtes animateur ? Classifié. Chroniqueur ? Fiché. Invité ? Catalogué. Mais sur quels critères ? Le Conseil d’État, dans sa grande sagesse, n’en dit mot. Après tout, pourquoi se compliquer la vie avec des définitions claires quand on peut laisser le flou artistique faire le travail ?


Alors, amis de l’Arcom, préparez vos crayons et vos tableurs Excel. La chasse aux étiquettes commence ! Qui est de droite, de gauche, du centre ou d’ailleurs ? Et surtout, qui décide ? Peut-être François Jost lui-même, qui, tout en se déclarant “fidèle à la gauche”, revendique une objectivité hors du commun. C’est un peu comme demander à un renard de surveiller un poulailler tout en lui attribuant un diplôme en zoologie.


Les implications absurdes


Mais le meilleur reste à venir. Cette décision ouvre la porte à des échanges surréalistes entre les médias. Imaginez un monde où Gaspard Proust alternerait ses chroniques entre France Inter et Europe 1, où Cyril Hanouna viendrait débattre sur France 5 en remplaçant Laure Adler. Oui, chers amis, bienvenue dans la République des clones médiatiques, où chaque chaîne devient une pâle copie de sa voisine.


Et pourtant, même nos chers journalistes de gauche, qui applaudissaient cette décision dans un premier temps, commencent à trembler. Denis Olivennes de Libération s’inquiète : et si cette logique se retournait contre eux ? Après tout, quand on ouvre la boîte de Pandore, il faut s’attendre à voir ses propres démons surgir. Mais rassurez-vous, chers progressistes, l’Arcom saura sûrement appliquer ce pluralisme avec la rigueur bienveillante d’un maître d’école indulgent.


Moralité : attention à ce que vous souhaitez


En conclusion, mes chers amis, cette affaire est un cas d’école de ce que Tocqueville appelait la “tyrannie de la majorité”. À force de vouloir contrôler le débat public, nos élites finissent par scier la branche sur laquelle elles sont assises. Le pluralisme n’est pas un tableau Excel, et la liberté d’expression ne se résume pas à des quotas de temps de parole. Alors, à tous ceux qui veulent un monde parfaitement aligné sur leurs idées, un conseil d’Ésope : faites attention à ce que vous souhaitez, car cela pourrait arriver… et cela pourrait être bien pire que ce que vous aviez imaginé.

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