La création monétaire est un concept fondamental, au cœur du système économique mondial. Pourtant, ce mécanisme est largement méconnu du grand public, car souvent perçu comme un processus technique et complexe. Ce manque de compréhension profite à une élite économique et financière qui tire les ficelles du système monétaire moderne pour renforcer son pouvoir et accroître ses richesses, aux dépens de la collectivité. Loin d'être un simple outil de gestion macroéconomique, la création monétaire est devenue un instrument de domination économique.
Qu'est-ce que la création monétaire ?
La création monétaire correspond à l'ensemble des processus par lesquels la masse monétaire d'une économie augmente. Contrairement à l'idée populaire qui réduit la monnaie aux pièces et billets en circulation, celle-ci comprend principalement la monnaie scripturale (ou monnaie bancaire), qui représente aujourd'hui environ 90% de la masse monétaire dans les pays développés.
La Banque centrale :
En tant qu'autorité monétaire suprême, la banque centrale (comme la Réserve fédérale aux États-Unis, la Banque centrale européenne pour la zone euro, ou encore la Banque d'Angleterre) détient le pouvoir de modifier les bases de la création monétaire.
Elle influence la masse monétaire de trois manières principales :
Émission de billets et pièces :
Représente aujourd'hui une faible proportion de la masse monétaire totale (généralement moins de 10 % dans les économies développées).
Politique de taux d'intérêt: En ajustant ses taux directeurs (comme le taux de refinancement), la banque centrale rend le crédit plus ou moins coûteux pour les banques commerciales,influençant ainsi indirectement la création monétaire.
Opérations d'open market : En achetant ou en vendant des actifs financiers (comme des obligations d'Etat), elle injecte ou retire de la liquidité du système, un processus connu sous le nom de quantitative easing.
Les banques commerciales :
L'essentiel de la création monétaire est réalisé par les banques commerciales à travers l'octroi de prêts. Lorsqu'une banque accorde un prêt, elle crédite directement le compte de l'emprunteur. Cela signifie que la banque crée de la monnaie nouvelle à partir de rien, un processus appelé création monétaire ex nihilo.
À titre d'exemple, en France en 2022, plus de 2100 milliards d'euros étaient détenus sous forme de dépôts bancaires, soit de la monnaie scripturale issue principalement des prêts bancaires.
Les différents types de monnaie
Pour bien comprendre la création monétaire, il est essentiel de distinguer les différents types de monnaie :
Monnaie fiduciaire : Billets et pièces émis par la banque centrale, représentant une forme tangible de la monnaie mais largement minoritaire en volume.
Monnaie scripturale : Il s'agit de la monnaie électronique, ou virtuelle, créée par les banques commerciales. Ce type de monnaie est inscrit dans les comptes des banques sous forme de dépôts.
Monnaie centrale : C'est la monnaie utilisée par les banques commerciales pour leurs échanges et règlements avec la banque centrale et entre elles. Elle inclut les réserves détenues par les banques à la banque centrale.
Les banques centrales : réguler ou manipuler ?
Historiquement, les banques centrales étaient perçues comme des garantes de la stabilité monétaire, leur mission étant d'assurer une inflation faible et stable. Mais depuis la crise financière de 2008, leur rôle a évolué vers des interventions massives sur les marchés financiers, via des politiques d'assouplissement quantitatif (quantitative easing ou QE). Ce processus consiste à racheter,massivement des actifs financiers (comme des obligations d'État ou des titres adossés à des hypothèques) pour injecter des liquidités dans le système.
Prenons l'exemple de la Réserve fédérale américaine (FED), qui, en réponse à la crise de 2008, a augmenté la taille de son bilan de 900 milliards de dollars à plus de 4500 milliards de dollars en 2014 grâce au QE. Cette liquidité supplémentaire a largement alimenté les marchés financiers, gonflant la valeur des actions et des actifs immobiliers, sans pour autant stimuler directement l'économie réelle. En Europe, la Banque centrale européenne (BCE) a suivi la même trajectoire, notamment après la crise de la zone euro, en injectant plus de 2600 milliards d'euros dans le cadre de son programme d'achat d'actifs.
Le problème de ces politiques est qu'elles bénéficient principalement aux détenteurs d'actifs financiers (grandes entreprises, banques et individus fortunés), creusant ainsi les inégalités économiques. Les plus riches voient la valeur de leurs actifs augmenter, tandis que la majorité de la population, qui ne possède pas d'actifs significatifs, ne profite pas de ces injections massives de liquidités.
Les banques commerciales : la création par la dette
Les banques commerciales jouent un rôle crucial dans la création monétaire. Elles sont motivées par la rentabilité, et leur principal levier est l'octroi de crédits.
Chaque prêt accordé par une banque correspond à la création de nouvelle monnaie scripturale.
Par exemple, si une entreprise emprunte 1 million d'euros pour investir, cet argent est immédiatement crédité sur son compte, augmentant ainsi la masse monétaire.
Cependant, cette création monétaire par la dette génère une pression structurelle pour une croissance continue du crédit. Les emprunteurs doivent rembourser non seulement le capital, mais aussi les intérêts, ce qui nécessite de nouvelles liquidités et donc de nouveaux prêts. À long terme, cela crée une dépendance à l'expansion de la dette.
Dans un contexte de faible régulation ou de politiques monétaires accommodantes, cette dynamique alimente les bulles spéculatives. Prenons l'exemple de la crise des subprimes aux États-Unis en 2008,où une explosion du crédit immobilier, couplée à une création monétaire excessive par les banques commerciales, a conduit à une bulle immobilière puis à une crise financière globale.
L'inflation : un mal nécessaire ?
La création monétaire peut avoir un effet inflationniste. En théorie économique, lorsque la masse monétaire croît plus rapidement que la production de biens et services, les prix augmentent.
L'inflation réduit la valeur de la monnaie, ce qui diminue le pouvoir d'achat des ménages.
C'est le cas au Venezuela, où l'hyperinflation a atteint des sommets de plus de 1 000 000% en 2018, entraînant un effondrement de la valeur de la monnaie nationale.
Cependant, une inflation modérée, autour de 2% par an selon les objectifs de la BCE, est perçue comme bénéfique. Elle incite à dépenser et à investir, car l'argent perd de sa valeur au fil du temps. Cela stimule l'économie, mais dans des proportions maîtrisées. Lorsque l'inflation devient incontrôlable, elle peut ruiner la confiance dans la monnaie et déclencher des crises économiques sévères.
L'aléa moral : un risque systémique
L'aléa moral représente un autre danger de la création monétaire.
Lorsque les banques et les grandes institutions financières savent qu'elles peuvent être renflouées en cas de crise, elles sont incitées à prendre des risques excessifs.
C'est précisément ce qui s'est passé lors de la crise financière de 2008, où les banques ont spéculé sans retenue, sachant qu'en cas de faillite, elles seraient soutenues par les banques centrales et les gouvernements. Résultat : des pertes massives socialisées, payées par les contribuables, tandis que les profits étaient privatisés.
La monnaie pleine : une alternative crédible ?
Certains économistes, proposent de revoir entièrement le système de création monétaire. Le concept de monnaie pleine (ou monnaie libre) suggère que la création de monnaie devrait être réservée exclusivement à la banque centrale, et non aux banques commerciales. Cela permettrait d'éviter les dérives actuelles, où la création monétaire repose sur la dette.
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