Pierre Jovanovic résume en une phrase une critique répandue :
« Des multinationales ferment des usines, vont au Vietnam où les gens sont payés 200 euros, et revendent ensuite les produits. Le libéralisme économique n’est ni plus ni moins que l’esclavage réinventé. »
Cette phrase, percutante par son pouvoir émotionnel, reflète un ressenti profond et partagé. Pourtant, elle simplifie à outrance une réalité économique complexe. En accusant les multinationales et la mondialisation de tous nos maux, nous détournons l’attention des véritables causes de la désindustrialisation et du chômage en France : nos propres choix politiques, fiscaux, et économiques, qui ont miné notre compétitivité.
Les critiques de la mondialisation : un écran de fumée
Blâmer la mondialisation, comme le fait Jovanovic, revient à ignorer les causes internes de nos difficultés économiques. Oui, des entreprises délocalisent, mais la véritable question est : pourquoi trouvent-elles plus avantageux de produire ailleurs ? Voici quelques chiffres clés pour comprendre les mécanismes en jeu :
Comparaison des coûts du travail
• France : Coût horaire moyen de 39,50 euros (2022).
• Vietnam : Coût horaire moyen de 3,50 euros ; salaire mensuel moyen de 300 euros (2024).
• Pologne : Coût horaire moyen de 10 euros, compétitif au sein de l’UE.
Les charges sociales et les réglementations en France rendent le travail beaucoup plus coûteux, alors que des pays comme le Vietnam ou la Pologne ont su attirer les entreprises grâce à des politiques favorables.
Poids de la fiscalité
• France : Taxation totale des entreprises équivalente à 47% de leur bénéfice (Banque Mondiale, 2023).
• Royaume-Uni : Taxation de 19%.
• Singapour : Taxation de seulement 9%.
Ces écarts expliquent pourquoi de nombreuses entreprises préfèrent investir dans des pays offrant un environnement fiscal plus compétitif.
Coût énergétique
• France : Le prix moyen du MWh pour les industriels est passé de 55 euros en 2020 à 130 euros en 2024, en raison de décisions politiques erratiques sur le nucléaire et les énergies renouvelables.
• Pologne : Grâce à une politique basée sur le charbon, le coût reste autour de 50 euros/MWh, protégeant sa compétitivité.
Pourquoi le Vietnam progresse là où la France recule ?
Vietnam : un modèle d’adaptation
Le Vietnam, souvent critiqué pour son “dumping social”, illustre une stratégie de développement réussie. Quelques données pour mieux comprendre :
• En 1993, 58% de la population vietnamienne vivait sous le seuil de pauvreté. En 2020, ce chiffre est tombé à 2%, grâce à une croissance annuelle de 6-7%.
• Le salaire moyen est passé de 70 euros en 1990 à 300 euros en 2024, avec une augmentation régulière.
• Les investissements directs étrangers (IDE) ont atteint 27,7 milliards de dollars en 2022, concentrés dans des secteurs comme l’électronique et le textile.
Ce succès repose sur une politique fiscale attractive, des infrastructures modernes, et une flexibilité du marché du travail.
France : un modèle rigide et coûteux
Pendant que des pays comme le Vietnam modernisent leur économie, la France s’accroche à des dogmes coûteux et inefficaces :
• 35 heures : Une rigidité qui freine la productivité.
• Dépenses publiques : À 57% du PIB en 2023, parmi les plus élevées au monde.
• Transition énergétique précipitée : Le déclin du nucléaire, combiné à une dépendance accrue aux énergies renouvelables, a fait exploser les coûts de production.
La mondialisation : un miroir plus qu’un monstre
La mondialisation ne détruit pas les économies, elle révèle leurs forces et faiblesses. Si l’Allemagne a su préserver une base industrielle forte grâce à des politiques favorisant la formation continue et l’innovation, la France a choisi une voie différente : un interventionnisme rigide et des charges écrasantes.
Les critiques de la mondialisation oublient que le monde évolue. Les secteurs industriels ne peuvent pas prospérer dans un pays où les coûts explosent et où les entreprises sont vues comme des ennemies plutôt que comme des partenaires.
Les solutions pour une France compétitive
Pour retrouver sa compétitivité, la France doit cesser de se chercher des excuses et affronter ses véritables défis. Voici des pistes concrètes :
1. Réduction des charges sociales
Aligner le coût du travail sur la moyenne européenne, autour de 25 euros/heure, permettrait de redonner de l’oxygène aux entreprises.
2. Fiscalité attractive
Ramener l’impôt sur les sociétés à 15-20%, afin d’attirer les investisseurs étrangers et d’encourager l’entrepreneuriat local.
3. Réforme énergétique
Reprendre le leadership nucléaire pour garantir une énergie abondante et bon marché, stabilisant le prix de l’électricité autour de 60-70 euros/MWh.
4. Flexibilité du marché du travail
Repenser les 35 heures, en offrant aux entreprises la possibilité d’adapter les horaires de travail à leurs besoins.
5. Investissements dans l’éducation
Former les travailleurs aux métiers d’avenir (intelligence artificielle, tech verte) pour répondre aux défis du XXIe siècle.
Conclusion : affronter la réalité
La mondialisation, bien qu’imparfaite, est avant tout une opportunité. Elle n’a pas détruit l’industrie française ; ce sont nos choix internes qui l’ont fragilisée. Tant que la France refusera de se réformer et d’assumer ses responsabilités, elle continuera à perdre du terrain face aux pays plus dynamiques.
Le véritable ennemi n’est pas la mondialisation. C’est le refus de la lucidité, l’enfermement dans des dogmes obsolètes, et l’illusion que l’État peut tout résoudre par la dépense publique. Si nous voulons rivaliser dans une économie mondialisée, il est temps de cesser de blâmer les autres et de commencer à changer nous-mêmes.