Le capitalisme inversé : Pourquoi la Chine semble plus capitaliste que les États-Unis

La rédaction

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Publié le 15 octobre 2024
Le capitalisme inversé : Pourquoi la Chine semble plus capitaliste que les États-Unis

Aujourd'hui, un constat surprenant s'impose : ce n'est peut-être plus en Occident que l'on trouve le capitalisme le plus dynamique, mais en Chine, un pays pourtant dirigé par un Parti communiste autoritaire. Ce paradoxe s'illustre à travers quatre points essentiels qui bouleversent la vision traditionnelle du capitalisme : le rôle du marché boursier, la destruction créatrice, la concurrence féroce sous régulation étatique et la protection des monopoles.

Le marché boursier : Une obsession américaine, une réalité marginale en Chine

Aux États-Unis, la bourse occupe une place centrale dans l'économie, à tel point que 70 % de la population américaine détient des actions.

C'est colossal ! La richesse de millions d'Américains dépend directement des fluctuations du marché. Lorsque la bourse monte, les citoyens se sentent riches, et lorsque la bourse baisse, une grande partie de la population se sent appauvrie, ce qui crée une dépendance malsaine au marché boursier. On l'a vu lors de la crise de 2008, lorsque la chute de Wall Street a provoqué une crise de confiance énorme, poussant le gouvernement américain à injecter 700 milliardsde dollars via le plan de sauvetage des banques (TARP) pour stabiliser l'économie.

Maintenant, comparons cela à la Chine. Là-bas, seuls 10 % des citoyens détiennent des actions.

En d'autres termes, si demain la bourse chinoise s'effondrait, 90 % des Chinois ne ressentiraient aucun impact direct sur leur richesse. L'économie chinoise est beaucoup moins financiarisée, et le marché boursier ne joue pas un rôle aussi central que dans les économies occidentales. En fait, en Chine, l'essentiel de la richesse repose sur la production réelle, les infrastructures, et l'investissement productif.

Prenons un autre chiffre : en 2021, la capitalisation boursière des actions aux États-Unis représentait environ 194 % du PIB américain. En Chine, ce chiffre n'était que de 83% du PIB. Cela montre bien l'importancedémesurée des marchés financiers aux États-Unis par rapport à l'économie réelle. On pourrait probablement qualifié cela de symptôme d'une économie hypertrophiée par la finance, où l'essentiel de la croissance apparente repose sur des actifs financiers volatils, et non sur une base productive solide.

La destruction créatrice: En panne aux États-Unis, en pleine action en Chine

Le second point clé, et l'un des plus paradoxaux, c'est la dynamique des faillites. Aux États-Unis et en Europe, il devient rare de voir de grandes entreprises faire faillite. Pourquoi ? Parce que dès qu'une entreprise de taille critique est en difficulté, l'État intervient pour la sauver.

L'exemple le plus frappant reste la crise de 2008, où non seulement les banques ont été renflouées, mais où les secteurs comme l'automobile ont également reçu des centaines de milliards pour éviter des effondrements massifs. Par exemple, le gouvernement américain a dépensé 80 milliards de dollars pour sauver General Motors et Chrysler. Ce mécanisme est devenu une norme : sauver les "too big to fail" (trop grandes pour échouer).

En Chine, c'est tout le contraire.

Même dans des secteurs stratégiques, comme les constructeurs automobiles ou les producteurs de panneaux solaires, les faillites sont régulières. Entre 2018 et 2020, pas moins de 450 entreprises cotées à la bourse de Shanghai ont fait faillite. Des entreprises comme BYD (un constructeur automobile chinois) ou encore China Evergrande, géant de l'immobilier, ont vu des filiales importantes entrer enfaillite sans que le gouvernement ne cherche à les sauver à tout prix.

Prenons l'exemple de China Evergrande. Cette société immobilière, autrefois l'une des plus grandes de Chine, a accumulé une dette de 300 milliards de dollars. Au lieu de renflouer Evergrande, le gouvernement chinois a laissé l'entreprise se démêler de ses propres problèmes. Certes, le gouvernement est intervenu pour empêcher un effondrement systémique, mais Evergrande reste en grande difficulté, et sa faillite est toujours envisageable.

En comparaison, aux États-Unis, AIG (l'assureur géant) avait reçu un renflouement de 182 milliards de dollars en 2008 pour éviter une faillite qui aurait paralysé l'économie mondiale. Ce type de gestion montre que la Chine accepte la "destruction créatrice", un mécanisme où les entreprises inefficaces sont éliminées, permettant aux ressources de se rediriger vers des secteurs plus prometteurs et plus dynamiques. Aux États-Unis, au contraire, les entreprises inefficaces sont maintenues en vie artificiellement, bloquant la réallocation des ressources et ralentissant l'innovation.

La régulation chinoise, paradoxalement source de dynamisme

Le paradoxe chinois est fascinant : bien que le gouvernement y exerce un contrôle omniprésent, le marché chinois est souvent plus concurrentiel que celui des États-Unis. Les entreprises chinoises doivent rivaliser dans un environnement où l'échec est non seulement toléré, mais parfoisencouragé. Prenons le secteur technologique. En Chine, des entreprises comme Huawei, Tencent, Xiaomi, ou Alibaba doivent sans cesse innover pour maintenir leur position sur un marché extrêmement concurrentiel. Et pourtant, aucune d'entre elles n'est à l'abri de la faillite. Même si elles sont en partie soutenues par l'État, si elles ne suivent pas le rythme, elles risquent d'être remplacées.

Aux États-Unis, au contraire, la concentration des monopoles dans certains secteurs est devenue un obstacle à l'innovation.

Prenons l'exemple des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Ces géants technologiques dominent largement leurs marchés respectifs, et le lobbying qu'ils pratiquent leur permet d'influencer les régulations, verrouillant ainsi leur position dominante. Aux États-Unis, Amazon représente près de 50 % du marché de l'e-commerce, un quasi-monopole. Quant à Google, il contrôle plus de 90 % du marché des moteurs de recherche.

Le marché chinois, bien que sous régulation stricte, permet à de nouveaux entrants de secouer le statu quo. Par exemple, l'application vidéo Kuaishou est venue concurrencer TikTok sur le marché local en Chine, prouvant que la concurrence reste ouverte et que de nouveaux acteurs peuvent émerger. En Occident, une telle perturbation est bien plus difficile en raison du poids des monopoles et de la connivence entre grandes entreprises et pouvoir politique.

La Chine, championne de la destruction créatrice, et les États-Unis, protecteurs de monopolesFinalement, ce qui ressort de cette comparaison, c'est que la Chine applique plus rigoureusement la "destruction créatrice", un concept central du capitalisme, tandis que les États-Unis semblent protéger leurs monopoles à tout prix. Prenons l'exemple de Tesla aux États-Unis. Certes, Tesla a bousculé l'industrie automobile, mais elle a aussi bénéficié de subventions gouvernementales massives (près de 3 milliards de dollars au total) pour arriver là où elle est aujourd'hui.

En Chine, même si des entreprises comme BYD ont bénéficié d'un soutien gouvernemental, la concurrence dans le secteur des véhicules électriques est féroce, et plusieurs concurrents directs de Tesla, comme NIO ou XPeng, ont émergé sans bénéficier des mêmes subventions massives.Aux États-Unis, le capitalisme est devenu un système où les grandes entreprises sont protégées contre les faillites, et où les monopoles limitent la concurrence. En Chine, bien que le Parti communiste contrôle beaucoup de leviers, la dynamique de la concurrence entre entreprises est réelle, et les échecs sont acceptés comme une partie nécessaire du processus capitaliste.

Conclusion : L'Occident en perte de vitesse face à une Chine plus compétitive

Si l'on regarde les faits, la Chine, bien que dirigée par un Parti communiste, semble incarner plus fidèlement certains des principes fondamentaux du capitalisme que l'Occident. La "destruction créatrice" y est appliquée sans complaisance, et la concurrence est plus féroce que dans les économies occidentales, où les monopoles règnent et où les faillites sont évitées à tout prix.

L'Occident, en particulier les États-Unis, est en train de perdre de vue l'un des principes de base du capitalisme : l'échec est nécessaire pour l'innovation et la croissance. Sans faillites, le marché ne peut pas se renouveler, et les ressources restent bloquées dans des entreprises inefficaces. Si l'Occident persiste dans cette voie, il risque de perdre son avantage économique face à une Chine qui, malgré son interventionnisme, sait encore laisser les forces du marché s'exprimer.

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