Pourquoi choisir un camp dans le conflit israélo-palestinien est une erreur

La rédaction

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Publié le 21 octobre 2024
Pourquoi choisir un camp dans le conflit israélo-palestinien est une erreur

Depuis des décennies, le conflit israélo-palestinien divise l’opinion publique internationale. Chaque flambée de violence ravive des tensions politiques et émotionnelles, poussant les observateurs extérieurs à choisir un camp : certains soutiennent Israël, justifiant ses actions par le droit à l’autodéfense, tandis que d’autres prennent fait et cause pour les Palestiniens, dénonçant les occupations, les blocus, et les injustices historiques. Cependant, réduire ce conflit à une lutte entre un “oppressé” et un “oppresseur” ou entre des “terroristes” et des “défenseurs” relève d’une simplification grossière.

Choisir un camp dans ce conflit revient à ignorer la complexité historique, politique, et sociale des deux côtés, mais aussi à perpétuer un cycle de division stérile. Il est fondamental de comprendre pourquoi adopter une approche neutre et impartiale, qui prend en compte les erreurs et les souffrances des deux parties, est la seule voie constructive pour appréhender cette situation.

1. Un conflit historique aux racines complexes

Le conflit israélo-palestinien n’est pas un événement isolé ou récent. Il s’inscrit dans une longue histoire de rivalités, de colonisations, de nationalismes et de persécutions. Comprendre cette histoire permet de mieux saisir les motivations et les griefs de chaque camp, et d’éviter les jugements simplistes.

• L’émergence du sionisme : Le mouvement sioniste prend naissance à la fin du XIXe siècle, porté par des juifs européens fuyant les pogroms et les persécutions. En 1897, le premier congrès sioniste, présidé par Theodor Herzl, pose les bases du projet d’un État juif en Palestine, alors sous domination ottomane. L’objectif du sionisme était de créer un refuge pour les juifs, persécutés dans de nombreux pays européens.

• La déclaration Balfour et le mandat britannique : En 1917, la déclaration Balfour, une lettre du ministre des Affaires étrangères britannique, Lord Arthur Balfour, soutient la création d’un “foyer national pour le peuple juif” en Palestine. Après la Première Guerre mondiale, la Palestine passe sous mandat britannique, période durant laquelle les tensions entre les communautés juive et arabe s’intensifient. La population juive en Palestine passe de 83 000 en 1922 à plus de 608 000 en 1946, en grande partie à cause de l’immigration massive des juifs fuyant l’Europe.


• La création de l’État d’Israël et la Nakba : En 1947, l’ONU propose un plan de partition de la Palestine, créant deux États, un juif et un arabe. Alors que les juifs acceptent cette proposition, les Palestiniens la rejettent. En 1948, après la fin du mandat britannique, l’État d’Israël est officiellement proclamé, et immédiatement, une coalition de pays arabes voisins entre en guerre contre Israël. Cette guerre se solde par une victoire israélienne, mais aussi par l’exode de 700 000 Palestiniens, qui fuient ou sont expulsés de leurs terres — un événement connu sous le nom de Nakba (“catastrophe” en arabe).

2. Pourquoi choisir un camp est simpliste

Adopter une vision manichéenne du conflit israélo-palestinien, c’est méconnaître la complexité et les nuances de la situation actuelle. Aucun camp ne peut être considéré comme entièrement juste ou injuste ; il est essentiel de reconnaître les torts et les souffrances des deux parties.

A. Les griefs israéliens

• La sécurité d’Israël : Depuis sa création en 1948, Israël a fait face à plusieurs guerres majeures avec ses voisins arabes, dont celle de 1948-49, de 1967 (guerre des Six Jours), et de 1973 (guerre du Kippour). Ces conflits ont renforcé un sentiment de vulnérabilité au sein de la population israélienne. Aujourd’hui, Israël fait face à des menaces régulières, notamment depuis Gaza, où le Hamas contrôle la bande et tire des roquettes sur les civils israéliens. En 2023, plus de 4 500 roquettes ont été tirées depuis Gaza vers Israël, selon le ministère israélien de la Défense.

• Les pertes humaines : Depuis le début des hostilités, Israël a perdu des milliers de civils et de soldats. Par exemple, depuis la seconde Intifada (2000-2005), plus de 1 100 Israéliens ont été tués dans des attaques terroristes, selon l’ONG Israel Security Agency. Chaque attaque renforce le sentiment d’insécurité et justifie, pour une partie de la population, les réponses militaires d’Israël.

• La reconnaissance internationale : Israël est régulièrement critiqué pour ses politiques de colonisation en Cisjordanie et pour ses actions militaires à Gaza. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’Israël a cherché à négocier des accords de paix à plusieurs reprises. Par exemple, les Accords d’Oslo en 1993 et 1995 ont marqué un tournant dans le processus de paix, avec une reconnaissance mutuelle entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Cependant, ces accords ont échoué en grande partie à cause des dissensions internes des deux côtés.

B. Les griefs palestiniens

• L’occupation et les colonies : Depuis la guerre de 1967, Israël occupe la Cisjordanie, Jérusalem-Est et le plateau du Golan. La construction de colonies israéliennes en Cisjordanie, illégale au regard du droit international, continue de s’étendre. En 2023, environ 700 000 colons vivent dans ces territoires, rendant la perspective d’un État palestinien de plus en plus difficile à réaliser. Pour les Palestiniens, ces colonies symbolisent l’injustice et la confiscation de leurs terres.

• La situation à Gaza : La bande de Gaza, contrôlée par le Hamas depuis 2007, est soumise à un blocus israélien sévère. Ce blocus limite l’accès aux biens de première nécessité, ainsi qu’aux médicaments et à l’énergie. En 2023, le taux de chômage à Gaza dépasse les 46 %, et plus de 80 % de la population dépend de l’aide humanitaire internationale. Les frappes israéliennes, en réponse aux attaques du Hamas, causent également de lourdes pertes civiles : selon l’ONU, depuis 2008, environ 5 000 Palestiniens ont été tués à Gaza dans des opérations militaires israéliennes.

• Le droit au retour : Un des principaux griefs des Palestiniens reste la question des réfugiés. Aujourd’hui, environ 5,7 millions de réfugiés palestiniens sont enregistrés auprès de l’UNRWA (l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens). Ces réfugiés, et leurs descendants, demandent le droit de retourner sur leurs terres, qu’ils ont perdues en 1948 ou en 1967. Ce droit au retour est un point de désaccord majeur dans les négociations de paix.

3. Les conséquences de la polarisation

Prendre parti dans ce conflit nourrit un discours polarisant qui empêche toute résolution pacifique. Le soutien aveugle à un camp renforce la radicalisation de l’autre. De plus, choisir un camp sans reconnaître les souffrances et les aspirations légitimes des deux parties conduit à perpétuer l’idée qu’il n’y a qu’un seul responsable dans ce conflit. Or, cela est loin d’être le cas.

• Radicalisation et frustration : Les positions extrêmes des deux côtés renforcent les groupes radicaux. Le Hamas, par exemple, tire parti de la colère palestinienne face à l’occupation et à la pauvreté pour justifier ses attaques contre Israël. De l’autre côté, les partis politiques israéliens d’extrême droite utilisent les attaques du Hamas pour justifier la colonisation et l’extension des territoires sous contrôle israélien.

• Le cycle de violence : Ce conflit est devenu un cercle vicieux où chaque attaque en entraîne une autre. Depuis les années 2000, on observe une alternance d’accalmies et de violences, souvent déclenchées par des événements précis comme des évictions de maisons palestiniennes à Jérusalem ou des tirs de roquettes depuis Gaza. Choisir un camp ne fait que renforcer la légitimité de ces actions violentes de part et d’autre.

4. Une solution neutre et équilibrée : reconnaître les deux côtés

Plutôt que de choisir un camp, la voie la plus constructive est de reconnaître la légitimité des revendications des deux parties. Cela ne signifie pas adopter une neutralité aveugle ou complaisante, mais plutôt reconnaître que les deux côtés ont des aspirations légitimes tout en ayant commis des erreurs.

• Reconnaître les souffrances : Des deux côtés, des civils innocents souffrent des conséquences de ce conflit. Des enfants israéliens grandissent dans la peur constante des attaques à la roquette, tandis que des enfants palestiniens grandissent dans des camps de réfugiés ou sous blocus, sans accès à une éducation ou à des soins de qualité.
• Encourager le dialogue et le compromis : La solution ne viendra pas de la victoire militaire d’un camp sur l’autre, mais du dialogue et du compromis. Les accords d’Oslo, bien que maintenant considérés comme un échec, étaient un premier pas vers une reconnaissance mutuelle. Aujourd’hui, une solution durable ne peut passer que par une acceptation des droits des deux peuples à vivre dans la paix et la sécurité.

Conclusion : refuser le simplisme

En somme, choisir un camp dans le conflit israélo-palestinien revient à adopter une vision simpliste et manichéenne d’une situation beaucoup plus complexe. La réalité est que les deux côtés ont des griefs légitimes, mais aussi des responsabilités dans l’escalade de la violence. Adopter une posture neutre, c’est non seulement reconnaître ces réalités, mais aussi appeler à une solution basée sur la justice, le dialogue, et la coexistence pacifique. Ne pas choisir un camp n’est pas une faiblesse, mais une position de principe qui permet d’encourager un futur où la paix l’emportera enfin sur la guerre.

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