Johan Faerber, à travers son tweet, fustige un capitalisme dont Bernard Arnault serait l’incarnation. Pour Faerber, Arnault refuserait de contribuer aux dépenses publiques essentielles, comme l’éducation ou la santé, préférant enrichir ses coffres tout en « clochardisant » la population. C’est une perception courante en France, où le capitalisme est souvent vu comme le bouc émissaire des inégalités sociales. Mais ce jugement ne passe-t-il pas à côté d’un point fondamental du capitalisme lui-même ?
La Vision de Schumpeter :
L’économiste Joseph Schumpeter offre une perspective particulièrement éclairante sur les effets du capitalisme. Il postule que le capitalisme, par sa dynamique même, ne peut que conduire à une hausse exponentielle du niveau de vie. Cette prospérité permet, en retour, une expansion de l’éducation, rendant celle-ci accessible au plus grand nombre et élevant globalement les compétences des individus.
Mais, selon Schumpeter, cette montée du niveau de vie et de l’instruction est un terreau fertile pour l’émergence d’une classe d’intellectuels hostiles au capitalisme. Ce paradoxe, où le capitalisme crée ses propres détracteurs, est au cœur de l’analyse de Schumpeter : plus les conditions de vie s’améliorent, plus les « faux intellectuels » — ceux qui n’ont pas nécessairement d’expérience directe des risques entrepreneuriaux — se multiplient et s’arrogent un rôle de « correcteurs » des injustices. Un tel rôle, comme le souligne Schumpeter, n’est souvent qu’un masque pour camoufler une hostilité irrationnelle envers les inégalités inhérentes au capitalisme.
Gramsci et la Politique de l’Éducation :
Ici, on rejoint la vision d’Antonio Gramsci, pour qui la prise de contrôle des institutions culturelles, comme l’éducation, est un levier pour transformer la société de l’intérieur. Le raisonnement de Gramsci est simple : une fois l’éducation nationale et le monde culturel infiltrés par des idéologies socialistes, le contrôle politique suit naturellement, car la pensée critique et l’autonomie intellectuelle s’étouffent progressivement sous des discours simplistes. Cela conduit à un contrôle idéologique, qui freine la « destruction créatrice » chère à Schumpeter, soit l’innovation et le renouvellement continus du capitalisme.
La Destruction Créatrice et les Faux Intellectuels :
La thèse schumpétérienne de la « destruction créatrice » nous rappelle que le capitalisme prospère en brisant les anciens modèles pour en construire de nouveaux. Mais, sous la pression des faux intellectuels et de l’expansion des idées socialistes, l’innovation est bloquée par une bureaucratie étouffante et des régulations excessives, étouffant la possibilité de toute destruction créatrice.
Faerber et d’autres critiques voient dans le capitalisme l’ennemi d’une société plus juste. Or, en paralysant le capitalisme pour satisfaire des idéaux égalitaristes, on oublie que le capitalisme est précisément le moteur qui a permis aux classes populaires d’accéder à des conditions de vie bien plus décentes. Une société qui étouffe son innovation pour redistribuer devient une société stérile, incapable de renouvellement et qui sombre inéluctablement dans le déclin.
Le Retour de l’Envie et la Ruine des Sociétés :
Le cœur de cette dynamique est, en réalité, un poison bien plus ancien que le capitalisme lui-même : l’envie. Comme l’expliquait Schumpeter, les sociétés fondées sur l’envie se condamnent à un appauvrissement généralisé. L’envie n’a jamais été un moteur de création ; elle est, au contraire, une force destructrice. Dans une société qui tourne autour de l’envie, le mérite et la compétence sont progressivement remplacés par des systèmes basés sur la victimisation, où chaque succès devient suspect et chaque échec, une preuve de persécution.
Pour Schumpeter, la vraie menace du capitalisme n’est donc pas la répartition inégale des richesses, mais la prise de pouvoir de ceux qui, animés par l’envie, veulent contrôler l’économie en l’assujettissant aux idéaux égalitaristes, qui mènent immanquablement à une stagnation économique et, à terme, à un retour vers des régimes non démocratiques.
Conclusion :
La critique de Faerber peut sembler séduisante, mais elle passe à côté de ce que le capitalisme a produit de meilleur : l’élévation du niveau de vie et une ouverture à la mobilité sociale. Si l’éducation et la santé sont des biens publics essentiels, l’acharnement contre les figures capitalistes, plutôt que de voir la dynamique de croissance de la richesse dans son ensemble, finit par menacer la prospérité collective. Pour paraphraser Schumpeter, la véritable tragédie du capitalisme est qu’il est victime de son propre succès, condamné non par ses défauts mais par une incompréhension de ses forces profondes.
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